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BD CRUCIFIX PARTIE3L

 

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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 23:01

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Il y a quand même un mec qui a fini par dire quelque chose d'intéressant au sujet de Clément Méric. Il s'appelle Turold (pas Tuborg, espèces d'alcooliques invertébrés. Turold. Turoldus en V.O.).

Turold n'a pas occupé de place importante dans l'administration, il n'a pas cumulé de mandats, et selon des sources à peu près certaines, il n'a jamais participé à une émission de téléréalité. La seule chose qu'il ait faite, de façon avérée, c'est d'écrire une chanson. Une très très longue chanson. Une chanson de geste. Elle s'appelle La Chanson de Roland, et a au moins marqué l'histoire littéraire et la construction du mythe national au XIXème siècle par le fait que ça a été la première œuvre conséquente (disons de plus d'une trentaine de vers) écrite en quelque chose qui ressemble à du français.

Pourquoi je vous parle d'un poète médiéval ? Parce qu'un type vient de publier une nouvelle traduction de ladite chansonnette. Le type s'appelle Frédéric Boyer, il publie de la poésie et des romans chez P.O.L, et a déjà à son actif une traduction de la Bible et une autre des Confessions de Saint-Augustin (qui a entraîné une vive polémique à l'époque parce que Boyer avait osé rebaptiser l'œuvre « Les Aveux », ce qui en dit d'autant plus long sur l'emmerdement qui sévit au sein de de nos élites intellectuelles que les traités de l'antiquité n'avaient pas de titre).

Je n'ai pas grand-chose à dire sur la traduction en tant que telle. Poète lui-même, Frédéric Boyer s'est efforcé de restituer le rythme du décasyllabe épique, au pris de quelques inélégances et obscurités ici et là, mais le parti-pris était osé et il est tenu jusqu'au bout.

Mais Boyer ne s'est pas contenté de faire œuvre de traducteur. Son livre, épais de quatre cent pages, s'organise en trois parties. La traduction occupe le centre. Elle est suivie par le « Cahier Roland », un essai sur la nostalgie des combats et l'attrait des épopées anciennes. Et devant, « Rappeler Roland », de la pure poésie. Sur soixante pages.

D'où l'importance d'acheter ce livre : c'est un bouquin pour les chiottes. À l'exception de la Chanson de Roland proprement dite, qui est essentiellement narrative, il faut le garder à portée de main et en lire une page tous les jours pour en goûter pleinement la beauté.

Le texte est assez touffu, mais tout tourne autour d'une idée-force : nous souffrons tous d'une nostalgie aiguë de la castagne. Un regret de la tuerie. Une culpabilité incurable de n'avoir jamais eu à prouver son courage physique dans une bataille rangée.

Or, et c'est justement le propos de l'ouvrage, il s'agit ici de « Parler d'autrefois avec les mots d'aujourd'hui. » (p.50) — de là à parler d'aujourd'hui avec les mots d'autrefois, il n'y a qu'un boitillement de nain paralytique, que j'hésite d'autant moins à franchir, que :

a) toute conscience nationale est d'origine essentiellement littéraire.

b) ni la radicalisation des groupuscules nationalistes ni le mouvement antifa ne sont explicables si on fait l'économie du chant.

Les nationalistes sont un peuple qui, partant de Vercingétorix et arrivant à Pétain via Charlemagne (ce qui est déjà assez cocasse, Charlemagne étant un de ces Boches que haïssait Pétain et qui descendait justement de ces tribus germaniques ayant mis à pâtée aux successeurs romanisés de Vercingétorix.), a construit cette entité blanche et chrétienne qu'on appelle la France. Les antifas, eux, se considèrent comme les descendants des opprimés qui, depuis les Jacqueries du Moyen-Âge et jusqu'aux résistants de 39-45, en passant par Robespierre, ont lutté pour leur émancipation et on créé ce havre de la démocratie et des Droits de l'Homme qu'on appelle la France. Dans les deux cas, la lutte est au centre, l'imagerie paramilitaire, et tout se structure autour d'une grande épopée nationale — c'est à dire d'une œuvre littéraire.

À cet égard, Boyer dresse vers le début de la première section une équation d'une simplicité qui frise le génie :

« Combats sanglants + défaites + massacres = chanson » (p.37).

Comme je l'ai déjà dit ailleurs, les journalistes qui s'évertuent à tirer conclusion sur conclusion depuis trois semaines gaspilleraient moins d'énergie à reconnaître que Clément Méric est mort au combat, pour une cause juste et à laquelle il croyait, et à lui élever une statue. Pourquoi n'est-ce pas le cas ?

   « Les tueries épouvantables n'ont pas disparu ni même n'ont ralenti. Mais la question qui me vient à l'esprit aujourd'hui en ouvrant la Chanson de Roland porte sur la disparition ou l'effacement de cet art verbal qui célébrait la bataille, l'assaut et la mise à mort de l'adversaire comme celle des frères d'armes. » pp.271-272.

Boyer n'est sans doute pas le seul à se poser la question, et c'est sans doute la raison pour laquelle il existe en France, depuis une dizaine d'années, une mode des récits de la deuxième guerre mondiale (par exemple Jan Karski, de Yannick Haenel, ou Les Bienveillantes de Jonathan Littel). La deuxième guerre mondiale, l'occupation et les hauts faits de la Résistance sont la dernière épopée disponible et autorisée.

La question de savoir pourquoi les écrivains français sont incapables de se trouver de l'épique dans leur environnement immédiat mériterait certainement une thèse de huit cents pages. Mais le fait de l'évacuer sous prétexte qu'elle serait purement littéraire ne l'empêchera pas de nous péter à la gueule.

Ça a justement commencé rue Caumartin.

 

Rappeler Roland, éditions P.O.L, 2013, 400p., 20 euros.

 

 

Grégoire Damon

 

 

 

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