L’aveu
Ann M écrivain public et éditrice en auto-entreprise.
Contribue à la diffusion artistique et littéraire et des témoignages personnels et historiques.
Accompagne dans la rédaction de documents dans les méandres administratifs
Aide au lien social dont l’écriture est encore la base dans un monde de la communication.
Mon témoignage sera un pavé dans la mare aux canards mais le voilà en soutien à tous les piou-piou dont e fais partie.
J’avoue
Faire de l’ombre aux bénévoles réunis en associations et autres organismes. Je ne les accuser pas de voler mon pain. Non ! Ces philanthropes ont leur place dans notre société paperassière et paupérisante. Ils remplissent une mission de proximité, mission ponctuelle et restreinte. Ce n’est pas toujours un service sur lequel le public peut compter quand il a besoin mais c’est un service gratuit.
J’avoue
Avoir mes tarifs bien organisés en grille. J’établis des devis selon une grille bien établie certes mais qui ne compte pas l’aspect psychologique du client capricieux qui me fait tomber comme peau de chagrin mon rendement horaire. Je ne me plains pas, j’aime le contact et la diversité de ce métier. Mes factures tiennent comptent de la TVA que je ne récupère pas.
Ces scribes occasionnels me regardent d’un mauvais œil. Ils défendent leur aura au sein d’une communauté souvent fragile et revendique aussi leur besoin de reconnaissance au travers d’une compétence. Sur ce seul point, nous nous rejoignons.
Le métier d’écrivain public recouvre une large palette de services.
Je remplis les formulaires, rédige les lettres pour appuyer des demandes de financement, des réclamations mais mon créneau est plutôt la correction de manuscrit de plus en plus sous forme de tapuscrit. Chaque projet est une aventure unique que je peux mener de la rédaction à la publication selon la demande spécifique de son auteur.
J’avoue
Faire de l’ombre aux imprimeurs pseudo éditeurs miroirs aux alouettes qui font payer fort cher des services qu’ils ne rendent pas.
J’avoue
Faire de l’ombre aux grands éditeurs qui au reste refusent ces écrivaillons et peinturlureurs n’entrant pas dans leur ligne éditoriale en publiant de modestes auteurs sans grand potentiel de vente.
Nous ne jouons pas dans la même cour.
J’ai rougi la première fois que j’ai demandé rétribution contre travail facturé au taux horaire. Pourtant ce n’est pas du vol, cet argent difficilement gagné me sera défalqué du RSA.
Pour l’instant, je bosse pour la gloire, je bosse pour contrer l’humiliation infligée à mon ex condition d’épouse.
« Tu ne sais rien faire, tu ne gagnes pas ta croute ».
Il y en a qui revendique le droit au mariage, j’ai revendiqué le droit au divorce après quatre enfants et trente ans de foyer. Montant du prix à payer : RSA.
Ma vocation d’écrivain public a commencé par une boutade à Pôle Emploi après quelques mois d’errance : la Madame s’écrie derrière son bureau secouant sous mon nez, sa tête permanentée comme pour conjurer une menace.
– 50 ans, CV quasi vierge. Femme au foyer. Rien à vous offrir, je vous inscris pour un stage. Monter votre entreprise, ça vous va !
– Bouaf…
— Nous, ça nous va. On pourra suivant les directives vous rayer des listes des geigneurs d’emploi.
Voilà madame le ministre comment ça c’est conclu ma vocation. Pas plus compliqué que de vous ôter un furoncle sur la fesse gauche mais maintenant qu’enfin je m’épanouis dans mon activité, vous allez d’un camouflet me contraindre à laisser tomber. Vous obéissez au lobby de quelques rares jaloux aveuglés par leurs propres difficultés, écrasés par les charges. Vous voulez graver votre nom dans le marbre mais rassurez-vous madame, les gouvernements passent et comme bien d’autres avant vous, on aura tôt fait de vous oublier, perdue dans les sables mouvants de la politique. Ne restera dans les mémoires qu’une décision aussi injuste qu’économiquement désastreuse.
Je ne suis pas une assistée dans l’âme, je relève la tête en mettant mes savoir-faire sur le marché car il y a des besoins.
Scribe, il faut avoir la foi, faute de revenus et dans ces conditions, les vocations sont rares.
Il faut deux ans pour se faire connaitre et plus encore pour se faire reconnaitre et encore avec beaucoup de sueur et de chance. Madame le ministre tuez les poussins dans l’œuf, tous ces gagne-petit qui n’iront jamais au paradis… fiscal.
Scribe ne sera jamais véritablement rentable.
Auto-entrepreneur, c’est donner une existence légale à mes activités. Devront-elles finir comme activités sans existence légale comme l’aura été toute ma vie ? Je n’ai pas les moyens de payer pour travailler. Je ne puis déclarer mon entreprise comme activité secondaire, étant donné que je ne puis revendiquer aucun autre statut comme retraitée, veuve pensionnée, fonctionnaire, rentière et autre.
Ce ne sont pas mes moyens de subsistance qui sont en jeu, c’est simplement en limitant dans le temps le statut d’auto-entrepreneur, mon intégration dans le tissu social de ce pays.
Madame le ministre, je vous salie bien haut.
Ann M