On ne l'a pas tellement entendu dire, mais les exploits pyrotechniques de Tepco dans la région de Fukushima n'ont pas seulement réveillé la conscience mondiale sur le danger de jouer avec des allumettes, ils ont aussi mis au jour une curieuse mutation anthropologique. En effet, après près de trois siècles de rationalisme, de positivisme et de pensée scientifique, l'humanité vient de redécouvrir l'usage de la parole magico-religieuse. Chanter pour se favoriser un dieu de la guerre quelconque, danser pour qu'il pleuve, pourquoi pas : c'est en tout cas l'attitude que le gouvernement japonais a manifestement décidé d'adopter, en concertation avec les hauts responsables de l'industrie nucléaire.
D'où les minimisations successives qui ont affecté leur communication de ces derniers jours. Il ne faut pas se hâter de soupçonner quelque hypocrisie là-dedans, et encore moins un foutage de gueule d'une ampleur rarement égalée. Les membres du gouvernement japonais s'en sont simplement remis à la prière, et ont postulé que, s'ils mettaient assez de ferveur dans leurs incantations, s'ils répétaient et répétaient que le réacteur n°2 n'allait pas exploser, merde, bon, que le réacteur n°3 allait résister, oh my goodness, passons, que le réacteur n°4 était vachement costaud, que les désagrément atmosphériques et alimentaires resteraient circonscrits à un rayon de dix kilomètres, les Japonais n'allaient se rendre compte de rien, qu'ils allaient simplement vaquer à leur reconstruction ordinaire, et peut-être simplement mourir en masse d'une GROSSE coïncidence de cancers de la thyroïde tout ce qu'il y a de plus naturels.
" Et le Verbe était Dieu ", comme dit l'autre on sait que l'art de la communication est capable de faire élire n'importe qui (voire n'importe quoi) à la tête d'un État, pourquoi pas imaginer qu'il vienne à bout d'une catastrophe nucléaire ? Alors bien sûr, dans cette industrie aussi transparente qu'un compte de campagne du RPR, il est difficile de savoir comment et dans que état le Japon viendra à bout de son Tchernobyl oriental. Mais on désespère trop vite de l'homme. Les experts ne vous mentent pas, mes frères, seulement ils n'en savent pas plus que vous. Normal, personne n'a jamais été foutu de maîtriser quoi que ce soit en la matière. Au moins, maintenant, tout le monde est d'accord sur la question du thon rouge.
Dr. Stro