Indignation, travaux pratiques
Une dernière chose à propos de l'indignation. Notre problème, Messieurs les Sérieux Intelligents, c'est l'opposition de la raison et de l'affect, non ?
Il faudra m'expliquer comment des choses comme le progrès, le dépassement de soi, la remise en question d'un système peuvent se passer de l'affect. Il est à parier qu'au dernier trimestre 1788, peu de gens dans la noblesse la bourgeoisie pensaient que l'ancien régime était susceptible d'être dépassé. Ou qu'en novembre 2010 QUI QUE CE SOIT d'un côté ou de l'autre de la Méditerranée aurait parié sur la chute de Ben Ali.
Il ne faut jamais oublier la raison est un moyen et non une fin. Sinon elle a le fâcheux effet de créer de l'immobilisme. On a beaucoup entendu ces derniers temps que la tolérance de la France à l'égard des dictateurs au Maghreb et eu Moyen-Orient étaient basés sur le fait que ceux-ci étaient un gage de stabilité dans les régions concernées. Ah, science sans conscience, toujours le vieil adage... Car comment croire une seconde qu'à long terme le grand méchant loup islamiste puisse être maintenu hors d'état de nuire par des régimes étouffant les libertés et réduisant leur peuple à la misère, alors même que c'est dans le terreau de cette misère et de cette frustration que poussent le mieux les extrémismes ?
La raison sans l'affect ne crée pas seulement de l'injustice, elle crée aussi de l'aveuglement. Et finit par amener des situations encore plus graves que celles qu'on cherchait à éviter. Et pour tous renseignement concernant ce qui arrive au mec qui croit savoir, je vous renvoie à Sophocle.
Ah mais.
B. J. A. Stroheim